Vous l’avez lu dans notre article de présentation, les Aston Martin DB 7 Zagato et DB AR1 ont une histoire passionnante et font partie d’une lignée de création en voie de disparition. Comme pour la Bugatti Veyron, ma vie de passionné m’a permis d’approcher des autos exceptionnelles, rares, et parfois même les deux. Dans le cas présent, j’ai eu la chance de conduire régulièrement aussi bien le coupé que le Roadster, parfois même sur de longs parcours. Je vais essayer de compiler mon ressenti au mieux. Contact !
Un zeste d’âme en plus
Commençons par la DB 7 Zagato. Notre exemplaire d’essai est le numéro 5, initialement vendu au concessionnaire Aston Martin de Paris. Sa teinte Mercury Grey lui donne un joli coté sportif et l’intérieur est en cuir aniline Charcoal. Non traité, ce cuir teinté naturellement se patine avec le temps, évoluant avec la vie de son propriétaire : sa teinte passe du noir au vert foncé. Les placages en fibre de carbone tranchent et donnent un côté moderne et technologique.
Avec moins de 10 DB AR1 en Europe, en trouver une relève de l’exploit, alors en conduire une est un miracle ! La seconde star de notre essai est la 82ème et possède une configuration unique au monde. Car s’il en existe 2 en Silver Birch (une sorte de gris clair qui tire sur le beige), c’est la seule des deux avec l’entourage de pare brise noir et les rétroviseur gris anthracite. Ce Silver Birch est une des teintes les plus mythique chez Aston Martin : c’était celle de la DB 5 de James Bond dans Goldfinger, ni plus, ni moins. Elle permet d’apprécier toutes les courbes, et il y en a partout, y compris sur les portières !
L’intérieur est en cuir et Alcantara noir Charcoal. Les placages en Aluminium illuminent un peu l’habitacle et rappellent la teinte claire de l’extérieur. La spécification US avec les feux de gabarit, le petit emplacement de plaque à l’arrière et le compteur en miles donnent un coté exotique et respectent le coté “matching”.
Au volant de l’Aston Martin DB 7 Zagato
La première découverte peut surprendre, avec la calandre démesurée et les feux arrière très simples. Mais le temps donne raison à ce style. Une fois la découverte terminée, on s’installe à bord et on profite des effluves du cuir, qui est omniprésent ! Planche de bord, sièges, espace arrière, ciel de toit, plage arrière… L’intégralité du pavillon est pour sa part recouvert d’Alcantara, et c’est superbe. La position de conduite est plutôt allongée, les genoux tapent la colonne de direction mais on se sent bien à bord. Le V12 démarre en donnant un coup de gaz avant de se stabiliser sur un bruit sourd et régulier. Dès les premiers tours de roues, on apprécie la douceur de la direction et on évolue sur un filet de gaz avec un ronronnement agréable.
L’embrayage est plutôt ferme et la commande de boite aussi, mais les verrouillages sont précis et rapides. Dès que l’horizon se dégage, on remarque vite que la sportivité est réelle. Les virages s’enchaînent, le différentiel laisse suffisamment de liberté pour s’amuser et le comportement est sain. Le châssis et les pneus suivent les rythmes soutenus. La voiture se cale et on passe fort dans les virages, qui s’enchaînent. Aux limites, la voiture aura tendance à sous virer (et oui, un V12 c’est lourd !) mais un coup de gaz dosé enroulera l’arrière et vous sortira du virage. Evidemment, et malgré le différentiel, une grosse accélération en courbe fera partir l’arrière très rapidement : il faut garder à l’esprit que les seules aides électroniques présentes sont l’anti-patinage et l’ABS… Mais ce n’est pas plus mal ! Dans ces conditions de conduite soutenue, on regrettera cependant la direction, trop assistée et moyennement précise.
Véritable GT
Le V12 en revanche ne déçoit pas ! Il monte dans les tours sans jamais faiblir, avec un son qui passe du rauque à l’aigu progressivement. On égrène les rapports et on se retrouve vite à des vitesses inavouables… En revanche le freinage, bien que renforcé, avoue vite ses limites en cas de fortes sollicitations. Il n’empêche, la conduite est jouissive. Même sur des routes exigeantes, la voiture garde un haut niveau de confort et absorbe les difficultés sans mauvaise réaction et avec efficacité. Il faut juste penser à surveiller sa jauge de carburant. Car à force de se laisser griser, on frôle souvent la panne sèche, même si avec un V12 on s’y attend forcément.
Partir en weekend est envisageable, à condition de prendre des sacs souples qui peuvent passer par l’étroite porte du coffre ou qui peuvent se loger derrière les sièges. La capacité de stockage est vraiment correcte si on respecte cette condition.
Un aller-retour à Milan depuis Monaco nous confirmera ce confort global, aussi bien pour les sièges, l’insonorisation que les suspensions. Sur autoroute le seul désagrément viendra de la pédale d’accélérateur. Son ressenti est bizarre et ne permet pas de garder une vitesse constante, et en l’absence de régulateur on est obligé de garder les yeux rivés sur les compteurs… Les petites routes resteront définitivement son terrain de jeu favori !
Une fois sur place, une épreuve qu’on n’a pas vue venir nous tombe dessus : une manœuvre pour se garer. Les petits rétroviseurs et la visibilité arrière quasi inexistante n’aideront pas, et n’envisagez pas d’aide d’une hypothétique caméra ou radars de recul ! Et quand on sait que les pièces de carrosserie sont toutes spécifiques, on ne veut surtout pas en abîmer une seule. La meilleure solution reste d’envisager l’aide un voiturier ou de choisir des emplacements sans créneau.
Aston Martin DB AR1 Zagato : la même chose cheveux au vent ?
Passons maintenant au Roadster. La conduite est sensiblement différente de celle du coupé, ne serait-ce que par la philosophie qui donne envie d’une conduite plus coulée, sur des routes de la Riviera. Là où le coupé excelle dans les petites courbes, les 4,65m du DB AR1 s’adressent aux grands espaces.
Un long trajet peut s’envisager, mais l’absence de toit oblige à être certain de la météo et de la sécurité à l’endroit visé sous peine d’être trempé ou de retrouver la voiture vandalisée. C’est d’autant plus dommage que l’accès au coffre ou au rangement derrière les sièges est plus facile que sur le coupé et que les suspensions sont plus souples.
Malgré cela, vous profiterez du V12 sans aucun filtre et ne ferez qu’un avec l’Aston et la route.
Le DB AR1, voiture d’été ?
28 Février 2012, je réalise de nouveau le trajet Monaco-Milan, en roadster cette fois. La DB AR1 doit rejoindre les Ateliers Zagato dans la banlieue de Milan pour y être exposée dans le cadre de la présentation de la nouvelle V12 Zagato. Quelques jours avant, le transporteur fait faux bon et plutôt que de renoncer, le propriétaire me demande si je peux amener la voiture par la route, lui ayant déjà prévu de venir avec sa DB 7 Zagato. La réflexion ne fût pas très longue avant de donner une réponse positive.
Le départ se fait sous les meilleures hospices, avec des températures fraiches mais un temps clair, et en plus le jour de la Saint Romain. Dès les premiers kilomètres, je vérifie rapidement que la voiture est plus adaptée pour la côte Ouest Américaine ou la Côte d’Azur que pour l’Autoroute des Alpes Italiennes…
Pas très à l’aise à cause de l’épaisse couche de vêtements, je me dis que le bouillonnant V12 va réchauffer l’habitacle. C’est oublier les origines Italo/Anglaise du DB AR1 : quand vous demandez de l’air chaud réparti entre le haut et le bas vous vous retrouvez au final avec de l’air brulant sur les jambes et quasi froid en haut. Et en tentant d’autres réglages vous aurez l’inverse, mais jamais de compromis vraiment acceptable.
Par contre, pour ce qui est de réchauffer l’ambiance, ce V12 est parfait ! Pour ceux que ne connaissent pas la route de Monaco à Milan, c’est une succession de tunnels, de parois rocheuses et de grand viaducs. Autant d’opportunités de laisser le V12 s’exprimer, gronder et résonner. Rien, absolument rien n’est là pour étouffer ses vocalises. L’échappement sport (changé par rapport à une DB 7 Volante) rend l’ensemble absolument jouissif. La Scala de Milan n’est pas loin des ateliers Zagato, ça s’entend !
Belle à conduire
Même je ne suis pas allé vérifier la vitesse maxi de 300 km/h, un rythme soutenu met en avant les performances du V12. La commande de boite est un régal lors des relances. Le 0 à 100 km/h en 4,9 s et l’allonge donnent de la force aux accélérations, sans jamais une once de brutalité.
Les quelques arrêts pour ravitailler permettent de se rappeler que l’on roule dans une auto extraordinaire, d’une beauté qui grandit au fur et à mesure qu’on la contemple. Juste avant d’arriver à Milan, un coucher de soleil dans le rétroviseur se reflète au milieu du bosselage. Je souhaite que ce moment dure encore et encore… Et encore.
Ce trajet dans des conditions spéciales n’aura pas été une contrainte mais un pur moment de bonheur pour un passionné d’auto comme moi. La position de conduite n’est pas si fatigante qu’appréhendée. Le confort de suspension est encore meilleur que sur le coupé, et le V12 pardonne un grand nombre de défauts. L’arrivée à Milan se fera sans soucis, dans les temps et le DB AR1 sera exposé aux cotés de ses ancêtres et de sa descendance.
Le retour quelques jours après s’est lui aussi déroulé parfaitement, ponctué de pouces levés, coups de klaxon amicaux et regards ébahis ! Chaque tunnel était une opportunité de laisser le V12 chanter et tutoyer la zone rouge, sans jamais perdre de sa force… Jouissif, purement et simplement. On en oublie les températures hivernales et on profite comme jamais des éléments tout en gardant à l’esprit qu’un trajet comme celui-ci ne se reproduira probablement jamais. Même si je l’ai fait deux fois…
Ergonomie (nf.) : adaptation d’un outil aux besoins de l’utilisateur
Quelques mots sur l’ergonomie qui est, comme toujours chez Aston, sans faille (ça vous fait rire ? Nous aussi). Le meilleur exemple est une sortie de péage : je remonte ma vitre et j’aperçoit un voyant orange. J’essaye de le décoder et ça ressemble à un pneu à plat… Le voyage venait de débuter, ça commençait mal ! Je m’arrête, constate que les pneus ont l’air OK. En redémarrant le voyant a disparu. Tout va bien jusqu’au péage suivant ou le voyant réapparait. Quelques kilomètres me font comprendre que le bouton pour déconnecter l’antipatinage est placé naturellement où on cherche celui des vitres, tandis que celui pour les vitres est en retrait… Et que ledit voyant n’était franchement pas explicite ! #boulet
Autre exemple, le coffre du coupé. Une serrure électrique déverrouille la (petite) porte de coffre, qui bascule ensuite vers le bas. Cette partie est même recouverte de cuir ! C’est joli… Mais l’ouverture ne permet pas de passer un objet de plus de 30cm d’épaisseur et il n’y a aucune serrure mécanique. Résultat ? Si la batterie est HS le coffre sera inaccessible. Pas très grave me direz-vous, il suffit de démarrer la voiture avec des câbles ou un booster et le problème sera réglé. Sauf que la batterie est… dans le coffre. Il ne reste plus qu’à tout démonter pour accéder à la batterie ! A noter que le tir est rectifié sur le Roadster, qui possède une serrure mécanique cachée derrière le logo Aston Martin.
Quand Zagato parle de ses créations, le discours parle du « Form following function », où c’est le style qui doit s’adapter à la fonctionnalité et non l’inverse. Dans le cas présent on est en droit de se poser la question, les autos n’étant pas des plus pratiques. Mais si on recherche avant tout la polyvalence, une DB 7 GT fera parfaitement l’affaire et pour beaucoup moins cher. Mais ces défauts ne sont qu’anecdotiques et ne peuvent pas attacher la passion et l’attachement que j’ai pour ces deux top modèles.
Love Story
Le point d’orgue restera à mes yeux un shoot photo avec les deux ensemble. Le trajet avec deux Zagato qui se suivent est déjà en soi extraordinaire. Encore plus quand les routes en question sont les corniches au-dessus de Monaco ! Une fois sur place j’ai pris le temps. Le temps de comparer, d’apprécier les courbes et les reflets, découvrir certains détails alors que je pensais déjà les connaître sous toutes les coutures. Le soleil couchant (et oui, encore lui !) donnait une lumière ambrée et mettait encore plus en valeur les lignes. Assurément l’un des meilleurs souvenirs de ma vie de passionné ! Mais il est déjà temps de repartir et de refermer le garage sur ces deux beautés…
Le titre de l’article n’était pas anodin. Les Aston Martin DB 7 Zagato et DB AR1 sont avant tout des objets de design pur. Aucune photo, aucune vidéo ni aucune description ne saura rendre la véritable beauté de ces Zagato. Le design Zagato n’est pas toujours évident à décoder ou à apprécier, mais pas dans le cas présent. Les deux silhouettes ont réussi à garder le coté glamour d’Aston Martin et le grain de folie Zagato.
Les deux carrosseries représentent la quintessence même de l’automobile : SWB (Short Wheel Base) et Barchetta.
Tout objet de design qu’elles sont, les deux voitures restent de vraies GT. Avides de routes désertes et de grands espaces pour laisser leurs V12 s’exprimer et profiter de l’instant présent. Ce sont deux autos passionnantes, quasi identiques et pourtant totalement opposées, créées pour que de vrais passionnés puissent vivre passionnément.
Je les adore, c’est définitif, et même quelques années plus tard mes souvenirs sont intacts. Je ne remercierai jamais assez le propriétaire de m’avoir laissé, à de très nombreuses reprises, le volant de ces objets rares et hors normes. Les DB 7 Zagato et DB AR1 sont complémentaires, les posséder donne une paire d’as. Assurément une paire d’as de coeur, vu comme elles ont fait battre le mien intensément à chaque instant passé avec elles !
Texte et photos : Romain
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