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Essai Jaguar i-Pace : pourquoi autant de silence ?

Le Jaguar i-Pace ne vous est peut-être pas familier tant il est rare sur nos routes. Il est pourtant auréolé de nombreux prix, dont le très convoité Car of the year 2019 : une première dans l’histoire de la marque. Une mise à jour en 2020 s’est occupée (entre autres) des temps de charge et du système multimédia. Si tout semble lui sourire, pourquoi n’en voit-on pas plus ? Essayons d’y voir plus clair. Essai Jaguar i-Pace : pourquoi autant de silence ?

i-an Callum

D’abord concept-car fin 2016, il s’est transformé en série dès 2018, tout en restant très proche esthétiquement. Le design était supervisé par le talentueux Ian Callum, auteur, notamment, de l’Aston Martin Vanquish première du nom… Une des plus belles autos au monde !

Ici, pas de courbe ou d’arrière sexy aux hanches larges mais un style taillé à la serpe avec de nombreux angles. C’est moderne mais pas dénué d’allure, avec une hésitation entre SUV et berline très à la mode. Les codes de la gamme actuelle sont bien là avec des phares félins, une grande calandre aux angles arrondis et des feux très effilés. Cela donne un sacré coup de vieux à ses sœurs, pourtant réussies.

Dans le détail, notre attention s’arrête sur les énormes jantes de 22 pouces (option à 2.772 €) qui remplissent parfaitement les passages de roues (heureusement vu la taille), les poignées rétractables, le gros diffuseur, l’aileron taillé à la serpe ou encore la calandre incurvée pour permettre à l’air de ressortir via les énormes écopes sur le capot. La lunette arrière très inclinée et sans essuie-glace, laisse entrevoir (c’est le mot) le pire en terme de visibilité. On y reviendra.

Ce cocktail réussi fait tourner beaucoup de têtes, même habillé de ce Eiger Grey. Certains badauds m’ont même demandé si c’était un concept ! Il masque plutôt bien ses 4,68 m de long, seulement 6 cm de moins qu’un F-Pace, qui fait nettement plus massif. Les porte-à-faux ultra courts aident grandement à cette impression de compacité.

La seule réserve concerne le noir laqué, très (trop) utilisé de nos jours. Comme sur un 3008 (parmi beaucoup d’autres), le moindre passage aux rouleaux laissera de nombreuses rayures et il se ternira avec le temps… Cette remarque vaut aussi pour l’intérieur. Dommage que les constructeurs s’entêtent à l’utiliser massivement.

Jaguar i-Pace : Jaguar 2.0

L’intérieur révèle quelques surprises, mais avec moins de partis pris que pour l’extérieur.

La planche de bord est épurée avec une arche centrale et les 3 écrans repris du Range Rover Velar. Ils mesurent 12,3 pouces pour le combiné, 10 pouces pour l’écran tactile central et 5 pouces pour l’écran tactile du bas qui gère la climatisation et le chauffage/réfrigération des sièges avant. Les molettes évoluent selon la fonction sélectionnée grâce à de petits écrans embarqués. C’est moderne et pratique ! Comme sur le cousin des champs suscité tous les écrans sont réactifs, pratiques et d’une belle qualité. L’écran central permet de rechercher des bornes de charge à proximité mais en revanche pour planifier un itinéraire avec les arrêts il faudra toujours anticiper avec une application. L’affichage tête haute est basique mais il a le mérite d’exister.

Les placages sont en plastique imitation alu ou noir laqué (y compris sur les contre-portes), plutôt agréable à l’œil mais sensible aux rayures et qui mettent en évidence le moindre grain de poussière.. Tout le reste est en plastique moussé et les assemblages sont bons.

Family business

Grande surprise en découvrant de vrais sièges baquets à l’avant, dignes d’une sportive ! Ils sont d’ailleurs très proches de ceux qu’on avait dans la C 63 AMG ou l’Abarth 695… Révélateur des performances ? À voir, parce qu’à l’inverse nous avons un toit panoramique en verre (option à 1.418 €). Sans velum, le verre se teinte automatiquement et efficacement avec le soleil… Cet équipement est nettement plus orienté famille que sport ! Famille qui sera ravie de la place à l’arrière tant l’espace aux jambes est immense. Les 3 m d’empattement sont dignes d’une limousine et à mettre au bénéfice de la plateforme qui est dédiée à ce Jaguar i-Pace et qui optimise l’espace. Pour parfaire le tableau, la banquette est chauffante et possède un vide poche sous l’assise.

Autre preuve d’une compatibilité familiale : un grand coffre de 656 L qui passe à 1453 L avec plancher quasi plat une fois la banquette rabattue. Et pas de risque d’enterrer les câbles de recharge sous les bagages grâce au frunk (coffre à l’avant) de 27 L.

Vient le moment de se glisser derrière le volant. La position de conduite est plus haute qu’attendue, le superbe volant tulipé tombe bien en main et inutile de dire qu’on est bien maintenu dans les baquets ! Leur confort est forcément ferme, mais moins qu’attendu. Le tout permet une position de conduite agréable, même si ces sièges restent étonnants sur une voiture électrique familiale. Ils sont de toute façon en option, à 1.341 €.

La nuit, quelques éclairages d’ambiance bleu glacier animent les nombreux rangements et les contre-porte.

Pacifique ?

Avec 400 ch et 696 Nm de couple, une structure en aluminium pour contenir la masse et un centre de gravité bas, on a vite envie de vérifier si les baquets ont bien leur place ici. Les 4 roues motrices assurent pour toutes les saisons et le 0 à 100 est expédié en 4,8 s… Il faut se méfier du félin qui dort !

En bonne électrique qui se respecte, la douceur sera de mise en ville, avec des déplacements sur un filet de watt. Les plaques d’égout, trous ou ralentisseurs se feront sentir fermement, mais nettement moins qu’appréhendé vu le combo grosses jantes/sièges fins. Les pavés du château de Chantilly ne sont pas une torture, la voiture étant bien maintenue. La 911 qui essayait de nous suivre était nettement moins à l’aise ! Aucun bruit parasite n’est à déplorer dans ces conditions (l’électrique est intraitable sur ce point) et la quiétude à bord nous permet d’apprécier l’excellente sono Meridian 3D de 825 W avec 16 haut-parleurs. La qualité des plastiques est bonne, malgré celui sous l’écran qui dénote un peu, tout comme la molette sur le volant (qui, en plus, est peu précise).

Jaguar i-Pace : il assure vos arrières

L’ergonomie générale est bonne mais on peste contre la visibilité arrière franchement médiocre, rançon du style… Mais en fait ce problème n’en est pas un : le rétroviseur intérieur se transforme en écran et renvoie tout ce qu’il se passe derrière le véhicule. Une caméra est installée dans l’antenne aileron de requin pour avoir une vue panoramique et éviter les projections de la route et un simple bouton sur le rétro intérieur permet d’activer la fonction. La luminosité et l’inclinaison sont réglables, l’image est fluide et il n’y a pas distorsion ou de bruit, y compris la nuit. On ne peut plus s’en passer ! Cette fonction se révèle encore plus utile si vous avez des passagers à l’arrière ou un coffre très chargé. Les caméras 360° aussi sont de très bonne qualité et sont bien utiles vu le gabarit. Gabarit qui n’est pas aidé en ville par le rayon de braquage, élevé avec 12,4 m.

Une fois les 400 ch libérés, on apprécie très vite la répartition du poids 50/50 tant les virages arrivent rapidement. Le comportement est sain avec beaucoup de grip sur le sec et on prend du plaisir, les limites étant loin. Notre essai hivernal avec des phases humides rappelait les lois de la physique et qu’une électrique est une voiture lourde. Dans ces conditions, une fois les limites atteintes, le Jaguar i-Pace sous-virait assez largement. Mais une fois de plus, la marge est grande avant d’arriver à cette situation. L’ESP veillera au grain pour limiter au possible, le tout ultra calé dans les sièges. L’insonorisation est vraiment bonne, que ce soit les moteurs électriques discrets, les bruits de roulement maitrisés ou les bruits d’air qui n’apparaissent qu’au-dessus de 110 km/h et à faible niveau.

Toutes griffes dehors

En mode Sport la suspension est raffermie et n’autorise aucun roulis. La poussée est encore plus franche mais sur route bosselée le train avant donne l’impression de rebondir parfois, avec une direction très filtrée qui ne remonte que peu d’informations sur l’état de la route. Par contre sur une route lisse l’agilité sera d’une surprenante efficacité, loin de l’idée qu’on se fait d’un SUV ! Le mode normal sera le plus confortable et le plus cohérent au quotidien pour économiser la batterie. On gardera ce mode sport pour les moments seul à bord ou pour surprendre ses amis et leur montrer qu’un félin ne reste jamais endormi très longtemps…

En toute situation les accélérations et reprises sont franches et la motricité n’est jamais prise en défaut, même sur le mouillé, grâce aux 4 roues motrices. La vitesse maximale est annoncée à 200 km/h et on le croit volontiers tant le Jaguar i-Pace continue de pousser après 130… La quiétude urbaine change de ton en cas de forte accélération, avec un ronronnement diffusé dans les haut-parleurs. Il faut parler de ronronnement, tant il reste discret et plaisant, heureusement loin de la caricature de certains constructeurs.

Sur voie rapide on s’étonne de l’absence de conduite semi-autonome même en option tant on s’habitue vite à cet équipement. En revanche le régulateur actif est efficace, de même que l’alerte de trafic qui affiche une alerte LED dans chaque portière, y compris à l’arrière, informant qu’une voiture arrive et ainsi ne pas ouvrir la porte dangereusement. Sécurité aussi pour la conduite nocturne avec les phares Matrix LED, toujours aussi spectaculaire et efficace. Mais la luminosité semble en retrait par rapport à la Mercedes Classe S (qui reste LA référence sur presque tous les domaines !), la Mercedes Classe C ou encore le Range Rover Velar récemment testés.

Jaguar i-Pace : un fil à la patte ?

Terminons sur l’incontournable : l’autonomie. Elle est annoncée à 470 km, rendus possible grâce à une (très) grosse batterie de 90 kWh. A titre de comparaison la batterie de la Lexus UX 300e fait « seulement » 54 kWh. Cette autonomie ne sera vraisemblablement possible qu’en utilisation urbaine. Comme toutes les électriques, l’hiver et les températures basses n’aident pas à optimiser la batterie et dégrade de fait l’autonomie. Malgré tout, l’i-Pace semble un peu moins sensible aux basses températures que d’autres (la Peugeot e-208 par exemple…). Durant notre essai réalisé avec une moyenne de 5° nous avons réussi à faire 380 kms avant de devoir recharger. Notre consommation était à 26 kWh aux 100 km, une valeur élevée mais pas incohérente car nous n’avons pas cherché à faire de l’éco-conduite (surtout avec 400 ch !). Nous avions le chauffage, les sièges chauffants et pas le pied le plus léger du monde. A noter que la climatisation intelligente détecte le nombre de passagers et adapte les flux d’air pour optimiser la consommation.

Le combiné affichera en permanence l’autonomie restante en kilomètres, le pourcentage n’étant visible que dans un menu dédié de l’écran tactile.

Coté recharge, pas d’architecture en 800 v comme une Hyundai Ioniq 5 ou une Porsche Taycan. Uniquement la possibilité de recharger jusqu’à 100 kW, qui rendra 80% de l’autonomie en 45 minutes. Une Wallbox de 7 kW rechargera complètement en… 12h. Et oui, c’est une grosse batterie !

Concurrence et prix

Avec des tarifs qui démarrent à 79.990 € (et même 105.000 € pour notre version à l’essai), le Jaguar i-Pace joue dans la cour des grands.

Les constructeurs Allemands ont une alternative classique, avec le BMW iX3 de 4,73 m qui est proposé à partir de 69.950 €. L’autonomie est annoncée à 461 km WLTP pour une puissance inférieure, avec 286 ch.

Audi propose son e-tron 50 à partir de 71.900 €, mais il faut se tourner vers sa déclinaison « coupé » Sportback en version 55 pour être en phase avec la silhouette et la puissance de notre Jaguar. Dans ces conditions, le prix d’appel passe à 86.800 €. La puissance est de 408 ch (en mode boost) mais il est un cran au-dessus en longueur avec 4,90 m. Finition de haut vol, confort, technologie et silence à bord sont de la partie mais avec une autonomie très limitée et un prix non négligeable.

Mercedes aura une offre plus distinctive que BMW via son EQC. Non dérivé d’un modèle thermique, il est légèrement plus long (4,76 m) que l’i-Pace et légèrement plus cher puisqu’il débute à 81.800 €. Coté mécanique il est très proche avec 408 ch et 421 km annoncés.

Désormais incontournable quand on envisage une électrique, Tesla et son récent Model Y Long Range. Avec 4,75 m et 440 ch il se retrouve en face de l’i-Pace… Sauf coté prix et autonomie : avec 507 km WLTP pour « seulement » 59.990 € tout compris c’est imbattable ! Même une version Performance avec toutes les options plafonne à 75.000 €… Mais il n’aura pas l’image de marque, la finition et le style du Jag’.

Reste enfin le cas de la Polestar 2, elle aussi plus proche d’une berline crossover que d’un SUV. Un peu plus courte avec 4,60 m, les prix démarrent à 58.900 €. Elle annonce 475 km pour 408 ch avec un style intéressant et un intérieur accueillant. Sous réserve que la marque puisse un jour vendre des voitures en France… Un procès est en cours avec Citroën pour une sombre histoire de logo !

Objectif 2025

Au final, ce Jaguar i-Pace s’est révélé être une bonne surprise, en tout cas nettement mieux qu’attendu. Très spacieux, il est compatible d’une utilisation familiale avec un vrai confort… Ce qui n’était pas gagné d’avance vu les énormes jantes et les sièges baquets ! Reste un prix élevé avec quelques lacunes d’équipement et une consommation élevée, même si les batteries semblent relativement peu impactées par les différences de température. Et quel look ! Rien que ça peut faire pencher la balance en sa faveur, en plus du prestige du blason.

Jaguar a récemment annoncé qu’aucune nouveauté ne sortira avant… 2025, le temps de remettre à plat toute la stratégie produit en devenant 100% électrique et en montant en gamme. Le temps sera long, mais le Jaguar i-Pace est bien dans son temps et permettra de temporiser un peu d’ici là… On ne peut que regretter d’en voir si peu sur nos routes, alors qu’il court les rues en Angleterre.

Retrouvez l’habituelle galerie photo ci-dessous :

Texte et photos : Romain pour Virages Auto
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