En tant qu’essayeur automobile, lorsque l’on parle de voitures électriques autour de nous, les réactions sont souvent violentes et pleines de contrevérités. « Vous êtes payés par les fabricants de voitures pour dire du bien ». « Non mais c’est n’importe quoi, c’est du bullshit généralisé ». « On ne peut pas faire Paris Marseille d’un seul coup ». « Je n’ai pas envie de m’arrêter toutes les heures ». Et ça continue, encore et encore. Ça ne s’arrête jamais. Alors évidemment, la voiture électrique n’est pas encore parfaite et beaucoup de ces phrases ont un contre-argument valable en face. Mais il y a une phrase qui n’avait jusqu’à présent pas de réponses dans mon cas : « Comment fait-on pour effectuer un voyage en électrique sans se prendre la tête à préparer tous les arrêts pour recharger ». Piqué au vif, voilà une raison pour tenter l’expérience. Essai KIA EV6 : le voyage en électrique sans préparation, c’est possible ?
KIA EV6 : les caractéristiques de notre voiture pour notre voyage en électrique
Le modèle que nous avons choisi pour tenter notre voyage en électrique est une KIA EV6. Plusieurs raisons amènent à ce choix. Nous en voyons plein sur les routes, l’autonomie officielle est largement décente et la recharge est la plus rapide de la catégorie. De plus, j’avais été un peu déçu de la version 4 roues motrices essayée en hiver, sous la neige, avec des températures glaciales. L’autonomie était un peu limite et la consommation assez élevée. Ainsi, deuxième chance pour la KIA EV6, cette fois-ci en version 2 roues motrices et mono moteur. Le crossover coréen dispose ainsi de 228 ch et 350 Nm de couple que les roues arrière envoient directement au sol.
Pour le reste, la voiture est strictement identique au modèle précédemment essayé, que ce soit à l’intérieur comme à l’extérieur. On retrouve le gris Comète mat en option à 950 euros. Les jantes en 19 pouces apparaissent plutôt petites mais devraient conserver le confort. A l’intérieur, on retrouve ce mélange de textiles sur les sièges. C’est toujours aussi agréable sur l’assise. La finition GT-Line nous apporte les mêmes options que précédemment : ensemble d’aides à la conduite, sièges chauffant et ventilés, etc. Pour la liste complète, nous vous invitons à relire l’essai complet lors de sa sortie, juste ici.
KIA EV6 : les chiffres de départ
La KIA EV6 dispose d’une batterie de 77,4 kWh. Théoriquement, elle est capable d’effectuer jusque 528 km sur route et 400 km sur autoroute. Avec le Hyundai Ioniq 5, il s’agit des seules voitures « grand public » à profiter des charges ultra rapide grâce à leur architecture 800 V. Comptez ainsi sur une recharge jusque 238 kW, soit une recharge de 10 à 80% en 18 min théoriquement.
Et cette architecture en 800 V, c’est véritablement son point fort ! Même les ténors électriques sont encore en architecture 400 V : Tesla, BMW, Mercedes. En 800 V, on ne compte bien que sur les Porsche Taycan et Audi e-Tron GT, les Hyundai Ioniq 5 et la Kia EV6. Globalement, la charge sera maintenue à haute vitesse plus longtemps. Sacré avantage !
Voyage en électrique : le trajet
On vous l’a dit, le but est de ne pas planifier le départ et d’y aller un peu comme ça vient. Ainsi, lorsque je récupère la voiture à Paris, je déambule quelques jours en Ile de France avant de prendre la route. En francilien lambda, mon appartement ne dispose pas de prises électriques. Pas de charge lente la nuit, pas non plus envie de faire la queue aux rares prises électriques pour me relever la nuit et débrancher la voiture. Ainsi, je pars le jeudi soir en week-end avec une batterie qui ne dispose que de 89% de charge. Je me surprends à voir que je n’ai vidé que 11% de la batterie jusqu’ici… Direction le Luxembourg, puis l’Allemagne et retour au Luxembourg, puis à Paris. Un trajet qui devrait avoisiner les 1600 km à vue d’œil, dont une immense majorité sur l’autoroute.
Soyons honnêtes, il a été très difficile ne pas planifier du tout le trajet. C’est un exercice qui est devenu assez banal pour moi et ne prend que quelques secondes. Pour notre trajet, la règle est simple, on fait tout ce que l’on peut en récupérant les chargeurs « au feeling ». Et on ne regarde où sont les chargeurs via les applications que sous les 20% de batterie, pour ne pas se retrouver coincés. Niveau application, différentes propositions s’offrent à vous mais Chargemaps et ABRP (A Better Route Planner) sont parmi les plus répandues.
Les conditions de notre trajet effectué en juin sont plutôt bonnes. La température extérieure ne nécessitera ni climatisation, ni chauffage, ce qui devrait contenir notre consommation moyenne. Le trajet en Allemagne sera l’occasion d’aller également tester la vitesse maximale de la voiture sur les Autobahn si la visibilité est bonne et de voir à quel point la batterie se vide à de telles vitesses. Bref, nous voilà partis pour notre premier très grand voyage en électrique.
Traverser la France = traversée du désert
Versailles, jeudi soir, 19h. Il faut quitter la région parisienne à l’extrême opposé, à l’est. Autant vous dire que les premiers kilomètres ne vont pas vider la batterie puisque la vitesse moyenne ne dépassera pas les 20 km/h… La voiture est un peu trompée dans ce monde et m’annonce que je devrais avoir assez d’autonomie pour aller au Luxembourg sans recharger. J’en doute fort cependant. Une fois sur l’autoroute A4 à 130km/h au régulateur, la vitesse moyenne augmente sensiblement. Et l’autonomie suit une courbe diamétralement opposée.
Arrivé au niveau de Reims, la batterie affiche 55% et l’autonomie annoncée ne permet plus d’atteindre ma destination. Reims est le seul arrêt possible dans cette direction au jour de mon trajet (mais des stations sont en cours d’installation). Je fais donc un arrêt sur une station de recharge Ionity indiquée par les panneaux d’autoroute. Un sandwich et un café plus tard, je repars. La Kia EV6 indique 85 % et 300 km d’autonomie. La route jusqu’au Luxembourg me fera passer par Charleville-Mézière et la Belgique. J’arrive au Luxembourg tard dans la nuit et repère une borne rapide pour le lendemain matin au passage. Parfait. Je me gare avec 16 % de batterie restant et 50 km d’autonomie sans avoir de quoi recharger dans mon parking.
Allemagne : pays des bornes rapides
Le lendemain matin, direction Cologne. Après une grosse vingtaine de minutes de charge me permettant de prendre le petit déjeuner, me voici reparti. La charge annonce 88 % et l’autonomie s’établit à 305 km. Le début du trajet me fait passer par des routes départementales à faible vitesse, préservant l’autonomie. C’est l’occasion de découvrir à la fois le Luxembourg rural (ça existe vraiment) et les régions de l’Eifel allemand. Tiens, ça me donne une envie d’un coup, on en reparle plus bas.
Les Autobahn font enfin leur apparition. Je m’insère sur la voie rapide derrière une Audi A6 Avant 3.0 TDI. L’accélération est franche et je reste à égale distance de la bavaroise tout le long de l’accélération. On vient de faire 60 – 150 en quelques secondes avant d’être ralenti. La route se libère et la KIA EV6 se propulse d’un coup, ouvrant la voie aux véhicules de derrière, jusque 193 km/h. C’est la vitesse maximale électriquement limitée pour préserver la batterie.
Et pour le coup, on sent une vraie coupure. La KIA EV6 est littéralement stoppée dans son élan. Après quelques minutes à ces vitesses, la batterie ne semble pas se décharger à une vitesse folle et la consommation instantanée tourne autour de 23 kWh/100 km. Cela reste étonnamment peu et identique aux valeurs relevées en hiver à 130 km/h sur la version 4 roues motrices… J’arrive sur Cologne avec la batterie à 50 %. Ayant vu beaucoup de bornes Ionity et Fastened un peu partout sur les aires locales, je ne recharge pas la voiture et part déjeuner.
Dans l’après-midi, je redescends vers Koblenz, au confluent du Rhin et de la Moselle. Le trajet via les sections d’Autobahn se déroule à bonne vitesse. En ce vendredi après midi, il n’y a pas foule. La KIA EV6 cruise autour de 170 km/h sur la voie de droite pendant de longs tronçons. L’autonomie ne s’effondre toujours pas et la moyenne de consommation reste inférieure à 20 kWh / 100 km. C’est assez remarquable de voir que l’EV6 maintient son autonomie malgré ce que je lui fait subir. Malgré tout au bout de 315 km, il est temps de recharger.
Je me charge sur une borne Ionity (encore) après moult problèmes de connexion. Sur les huit bornes disponibles, sept m’ont refusé la charge et seule la dernière borne m’a accepté. Etrange. Après 20 minutes de charge et un bel échange avec un propriétaire de Audi e-Tron Sportback, il est temps de continuer mon chemin. Comme je suis aux portes d’un parc naturel de volcans nommé l’Eifel, un passage obligatoire pointe le bout de son nez : le Nürburgring.
Voyages en électrique : des consommations surprenantes !
De façon complètement fortuite, j’y retrouve quelques copains qui sont venus en groupe avec des Mazda MX-5. Après quelques minutes d’échange, il est décidé que tous ceux qui ne connaissent pas le circuit le « visiteront » avec la KIA. Ainsi, nous voilà partis pour un tour de découverte assez lent en fin d’après-midi, sur une boucle étonnamment vide. Il n’est évidemment pas question de chrono ou de vitesse mais bien de se rendre compte du dénivelé extrêmement important du tracé.
Une fois ce petit tour terminé et quelques tours en MX-5 également effectué, il est temps pour moi de retourner au Luxembourg. J’arrive à destination avec une charge suffisante pour le reste du week-end. Après quelques petits tours dans un Luxembourg qui donne envie d’être visité, je repars pour le dernier bout de mon périple. En repartant, je fais une charge rapide sur les chargeurs Ionity de Metz. J’y rencontre des suédois qui ont poussé le concept du voyage en électrique encore plus loin, puisqu’ils font Stockholm Gibraltar !
Je réalise ensuite un très rapide stop à Reims. Ce dernier me permet à la fois de faire un pit-stop rapide, nettoyer le pare-brise constellé de moustiques et évidemment recharger un petit peu la voiture. Je repars avec 70 % de la batterie, histoire de finir le trajet jusque Versailles et de rouler en Ile-de-France encore quelques jours avant de rendre la voiture. Je rends l’EV6 au parc presse de Kia avec des chiffres bien meilleurs qu’espérés : 1.543 km avec une consommation moyenne à 20.0 kWh/100 km malgré le trajet intensif sur autoroute ! Depuis la dernière charge, la consommation s’est positionnée à 17 kWh /100 km alors que le dernier trajet nous offre un surréaliste mais bien réel 8.3 kWh pour 100 km !
Alors un voyage en électrique, c’est possible ?
Alors que conclure après cette première expérience sans préparation ? Tout d’abord, partir sans préparation en électrique se fait. Bien que ce soit beaucoup plus simple avec les applications dédiées. Certes il y a moins de bornes de charges actuellement sur nos routes que de stations-services. Cependant, depuis nos premiers essais en électrique, il faut reconnaître que ça devient de plus en plus simple et facile de recharger. Les bornes sur les autoroutes se multiplient. Bien que certaines portions du territoire français soient réellement vides de bornes de charge rapide… Cependant, cela reste largement faisable, sauf peut-être à être un commercial naviguant sur la moitié du territoire… L’accès aux bornes électriques au Luxembourg et en Allemagne s’est révélé beaucoup plus facile qu’en France. Les bornes rapides ne sont pas sur des axes payants mais bien sur des axes gratuits. Leur densité est largement supérieure également.
Alors évidemment, le choix du véhicule électrique si vous voulez faire 1400 km dans le week-end sera crucial. Les véhicules qui utilisent des architectures en 800 V (Taycan, Ioniq 5 et EV6) sont largement plus à même d’effectuer ce genre de trajet. Les architectures en 400 V équipées des grosses batteries (BMW i4 et iX, Mercedes EQS) ne seront pas trop pénalisées puisque pouvant charger en général jusque 200 ou 250 kW. Pour ceux dont la charge ne dépasse pas 120 kW, soyons clairs, un voyage en électrique comme le notre ne sera pas l’idéal. Ils effectueront les trajets, mais pas dans la même sérénité que ce que nous avons vécu. Restera ensuite la question du coût d’achat…
Texte et photos : Antoine pour Virages Auto
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