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Essai Alpine A310 V6 : la GT mal aimée ?

Parfois, quand une automobile acquiert le statut de légende, il est difficile pour son constructeur de la remplacer. Ainsi, lorsque Renault a dû remplacer la berlinette A110, la tâche n’a pas été facile. La situation économique et le premier crash pétrolier n’ont pas non plus aidé dans le développement de l’auto. Mais l’Alpine A310 sortira finalement en 1971. Sa carrière durera jusqu’en 1984, après près de 10 000 modèles fabriqués. Nous prenons aujourd’hui le volant d’un modèle de 1980. Essai Alpine A310 V6 : la GT mal aimée ?

Alpine A310 : l’histoire

A l’origine basée sur un dessin Italien, qui donnera la Monteverdi Hai 450, l’Alpine A310 se veut plus moderne et plus pratique que l’A110, réputée délicate à conduire. De base la nécessité d’orienter la remplaçante vers le grand tourisme marque un virage dans la destinée de la marque. Pourtant, les deux berlinettes tricolores sont très proches dans leur conception. Le châssis est une échelle /poutre sur laquelle viennent se fixer l’habitacle, la carrosserie en fibre de verre et le groupe motopropulseur. Là où l’A110 est dépouillée, l’A310 y ajoute un peu de garnitures et de tissus, pour faire illusion mais cela ne fonctionnera guère aux yeux du public. A cela vient s’ajouter les réalités d’un constructeur généraliste et ses économies d’échelle car contrairement à l’A110, l’univers Renault se fait plus présent. Il faudra ainsi attendre les Alpine GTA et A610 pour voir des Alpine confortables et réellement typées GT.

L’Alpine A310 commence sa vie au salon de Genève 1971, avec le 4 cylindres de la R16, préparé à 125 ch. Les clients et les ayatollah lui préfèrent la berlinette originelle, l’A110. De plus, le choc pétrolier 2 ans plus tard viendra ternir les ventes. Cependant, Alpine ne compte pas laisser tomber. Très rapidement, ils proposent de nouveau moteurs moins gourmands. Et surtout une entrée de gamme avec 95 ch seulement en 1976. Cette même année, l’A310 recevra enfin le V6 PRV de 2,7 L et 150 ch. L’Alpine s’embourgeoise et vient enfin chasser sur les terres du compromis entre puissance, couple et usage. Le six cylindres emmènera l’A310 jusqu’en 1985 et l’arrivée de la GTA beaucoup plus aboutie. Au total, ce sont près de 12 000 Alpine A310 qui sortiront en 14 ans de carrière.

Un style très Seventies’

Après une A110 très ronde, l’Alpine A310 s’est vu affublée d’un design aux arêtes vives et aux grands aplats de matières, très typique des années 70. Le nez en pointe, le long capot horizontal, la ceinture de caisse très basse et très horizontale également, le capot arrière tout en lignes tendues également, tout dans cette voiture est droit et étiré. Tout… sauf les ailes autour des arches de roues, très galbées, très rondes, très contrastantes. Il est d’ailleurs amusant de voir que la ligne de caisse se trouve localisée plus basse que le bombage des ailes. Cela donne à la voiture un look encore plus sportif, et surtout unique. En effet, les rares voitures avec une ligne de caisse plus basse que les ailes sont en général très moches…

Hors, l’Alpine dégage aujourd’hui une classe et une beauté assez inexplicable. En effet, j’ai, globalement, toujours préféré l’aspect rondouillard de l’A110. Mais la redécouverte de l’A310 m’a permis d’en apprécier un peu plus le volume général, tout comme les nombreux détails. La voiture a beau n’avoir que quelques lignes, rien ne semble de trop, rien ne semble manquer. Chaque ligne intègre un volume inévitable ou suggère une fonction, du Bauhaus avant l’heure.

A l’intérieur, c’est daté, évidemment, mais l’ensemble transpire le vintage et ça, c’est plutôt super cool ! Les petits compteurs orange sont éparpillés devant le conducteur comme les cadrans d’un avion devant le pilote.  Tout est un orienté vers le conducteur. Les commandes de ventilation semble sortir des années 60 et leur manipulation n’est pas très intuitive. Le radio cassette est également d’époque et marque un beau retour en arrière. Le turn’olock a cette faculté incroyable de mémoriser les stations de façon mécanique, ce qui permet de garder les stations une fois la batterie débranchée. En effet, propriétaire nous explique qu’il faut pas oublier de couper le courant une fois à l’arrêt car l’horloge Véglia du tableau de bord est énergivore.

Dire que la voiture manque de coffre, si ce n’est pas applicable au son moteur (on en reparle plus bas), c’est pourtant vrai pour l’emplacement de vos bagages. En effet, le coffre (à l’avant), se voit rempli par le réservoir pour une bonne partie, alors que le reste ne permettra de ranger que le minimum syndical (triangle, gilet et 2 bombonnes de produit d’entretien. Une roue de secours pliable vient tout de même se loger dans le « coffre » arrière, à droite du moteur. Pour ce qui est des bagages, il faudra sacrifier le côté 2+2 de l’A310 et utiliser les mini sièges arrière. « C’est idéal pour le camping » nous dit en riant son propriétaire. Par le biais d’un simple levier, le dossier de banquette se met à l’horizontal telle une étagère (comme ce que proposait Porsche à l’époque.)

Au volant de l’Alpine A310

Une fois assis dans les baquets en tissu gris et rouge, on se retrouve dans une drôle de position. On est en effet penché vers l’arrière, avec les fesses, les mains et les pieds sur deux axes différents. L’ensemble n’est pas vraiment aligné dirons-nous. C’est assez étonnant, mais moins marqué tout de même que sur l’Alpine A110. Le petit volant se prend bien en main et la commande de boite tombe parfaitement dans la paume. Main sur la clef, pédale d’accélérateur à fond, je tourne la clef de 45° et….j’attends.

J’attends que les carburateurs fournissent le mélange air/essence au moteur. Au bout d’un temps qui s’emble interminable en comparaison avec une auto d’aujourd’hui, le V6 s’ébroue. Il se cale sur un ralenti plutôt stable. Le moteur ronfle et vit comme je les aime dès le démarrage. Ici, un silencieux d’époque Devil, agrémenté de collecteurs 3 en 1, décuple le son du V6. Quel plaisir !

Essai Alpine A310

Les commandes sont plutôt fermes à basse vitesse et l’ensemble demande pas mal de précision et d’attention. Petit coup d’accélérateur entre chaque rapport et guidage minutieux de la boite avec le poignet sont nécessaires afin d’éviter notamment la marche arrière située très proche de la seconde. Le ressenti à ces vitesses très basses (50 à 60 km/h) sur les petites routes de campagne est extraordinaire. On ressent tout, que ce soit les aspérités de la route comme les mouvements de la voiture. L’implantation du siège, finalement parfaite une fois en route, et la direction  permettent vraiment de remonter absolument toutes les informations. Le premier ralentisseur permettra de mettre en avant les freins, de la même époque que l’autoradio cassette, ainsi que l’effet sac à dos. Cette petite phase lente peut paraître surprenante au premier abord mais permet de bien comprendre la voiture.

Je me surprends à accélérer le rythme assez rapidement pour la rouler comme une auto plus lambda, et sans créer un embouteillage derrière moi. Là, l’auto se transforme. L’ensemble des éléments relevés lors de cette phase lente (direction, freinage, accélération), se montrent tout à l’identique une fois à vitesse plus élevée. Les petits virages de notre route d’essai ont mis en avant un comportement absolument parfait, aussi bien au niveau des trains roulants que de la mécanique. On ressent assez vite la proéminence du train arrière, de par la largeur de voie et de pneus qui vous aide à accorder plus de confiance à une propulsion. Toutes les Alpine ne sont pas pareilles et l’entretien compte beaucoup d’une Alpine A310 à une autre.

Le propriétaire nous l’explique ainsi : « la voiture a été mise au point lorsque je l’ai achetée chez un spécialiste de l’A310, à Chartres, son comportement a été complètement transformé. Aujourd’hui, je peux faire aussi bien du circuit que de la balade ou des longs trajets ». Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on aurait bien prolongé l’essai tellement l’ensemble s’est montré bien réglé.

Essai Alpine A310

Mais avant de rendre l’Alpine A310 à son propriétaire, nous continuons un peu notre trajet. Le train avant est plutôt léger. Il est d’ailleurs fortement conseiller de respecter la pression de pneus du constructeur et d’attaquer toujours avec au minimum la moitié du plein pour un meilleur équilibre des masses. On sent que le moteur arrière ne cherche qu’à passer devant à chaque transfert de masse brutal. Garder un filet de gaz minimum en appui est ici une obligation, pas une astuce pour gagner 1/10 de seconde. Tout est dans la délicatesse et les vieux dictons de mon père me reviennent en tête : »Alpine et Porsche, c’est pas compliqué, tant que tu freines en ligne droite ».

Retrouvez l’ensemble de nos photos ci-dessous :

Merci à Jeff pour son temps, le prêt et les explications à propos de sa voiture.
Texte et photos : Antoine pour Virages-Auto.com
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