C’est sur les petites routes sinueuses du Piémont, entre vignobles centenaires, rangées de noisetiers, piste caillouteuses et villages figés dans le temps, que j’ai pris le volant de la nouvelle Alfa Romeo Junior Ibrida Q4. Bien plus qu’un essai, cette prise de contact avec le petit SUV italien revêt une double importance. D’abord parce qu’il inaugure une transmission intégrale hybride inédite pour la marque sur un format aussi compact. Ensuite parce qu’il incarne la mutation d’Alfa Romeo vers une électrification pensée comme une continuité du plaisir de conduite, et non une contrainte. Alors, la promesse est-elle tenue ? Verdict après plusieurs heures de conduite sur route et en ville. Essai Alfa Romeo Junior Ibrida Q4 : le pragmatisme électrifié.
SUV urbain à l’italienne

À la date de notre essai, la marque revendique déjà 30.000 commandes dans 38 pays, dont 19 % pour la version 100 % électrique. Un chiffre qui traduit une curiosité certaine autour du modèle, et un engouement inattendu pour un SUV compact au style affirmé et à la fiche technique intrigante.


Dès le premier regard, la Junior ne fait pas dans le mimétisme. Elle ne cherche pas à singer les canons esthétiques des SUV allemands ou français, préférant injecter une bonne dose d’ADN Alfa Romeo dans un format pourtant très normé. La calandre « Scudetto Leggenda » trône fièrement entre des optiques LED expressives, et l’ensemble de la face avant respire une sportivité retenue, mais revendiquée.
Notre version d’essai, habillée dans la teinte Gris Arèse métallisée avec toit noir (1.200€), affichait la spécificité des pack premium et pack techno, inclus d’office sur cette version Q4. Jantes « Petali » au dessin soigné, vitres arrière surteintées, phares LED : l’équilibre est là. Pour ceux qui souhaitent plus d’agressivité, le pack Sport ajoute une calandre spécifique et des sièges Sabelt « baquet », mais ce n’était pas le cas ici.

La poupe est plus consensuelle. Les feux arrière reliés par un bandeau noir ne révolutionnent rien mais apportent une certaine assise visuelle. Le lettrage « Alfa Romeo » placé sous ce bandeau tente de faire le lien entre tradition et modernité. Chose originale, aucun badge Junior sur la voiture, surement du au changement de nom, imposé en urgence par les autorités italiennes pour passer de « Milano » à « Junior » juste avant son lancement.
Entre confort, techno… et compromis

Une fois installé à bord, difficile de ne pas ressentir une forme d’ambiguïté. L’assise est bonne, le maintien latéral des sièges est honnête, et le poste de conduite bien pensé. La version que nous testons offre un siège conducteur électrique, chauffant et massant, tandis que le passager doit se contenter uniquement du chauffage. On apprécie le volant compact, gainé de cuir, et les palettes de changement de vitesse qui tombent bien sous les doigts.


Mais très vite, certains choix de matériaux viennent refroidir l’enthousiasme initial. Le haut de la planche de bord, le contour des compteurs et les panneaux de portes sont majoritairement réalisés en plastique dur. Un petit médaillon en TEP tente de faire illusion côté porte, mais le résultat global peine à convaincre, surtout pour un modèle qui se positionne dans le segment premium. L’écran central, bien qu’assez fluide, est placé trop bas pour une lecture rapide en conduite dynamique, et le rétroéclairage ambiant, trop discret, n’aide pas à compenser l’aspect un peu terne de l’ensemble de nuit.


Cela dit, tout n’est pas à jeter. Le combiné numérique est lisible, personnalisable, et les aérateurs ronds façon Mercedes-Benz (avec un petit biscione rétroéclairé en leur centre) apportent une touche de charme inattendue. L’espace à bord est correct pour le gabarit, avec un bonne accessibilité aux places arrière. Le volume de coffre (340 litres) reste convenable malgré l’intégration de la batterie, qui trouve place sous le plancher central, bien calée entre les deux essieux.
Sur la route : la polyvalence comme mot d’ordre

Dès les premiers tours de roues, une chose saute aux yeux : cette Alfa Romeo Junior Ibrida Q4 n’a rien d’un foudre de guerre. Avec un 0 à 100 km/h en 9,1 secondes, elle fait même moins bien que la version Ibrida simple, pourtant dépourvue du moteur électrique arrière. La faute, probablement, aux 200 kg supplémentaires qu’impose l’ajout du système Q4, composé d’un moteur électrique logé dans la boîte DCT à l’avant et d’un second moteur indépendant sur le train arrière.
Mais il serait injuste de réduire cette Alfa Romeo à sa fiche technique. Car sur les petites routes vallonnées du Piémont, entre virages serrés et successions de courbes rapides, la Junior Q4 se révèle étonnamment plaisante à mener. La direction est précise, le train avant bien guidé, et le train arrière multibras conçu spécifiquement pour cette version contribue à réduire sensiblement le sous-virage (jusqu’à 30 % selon Alfa Romeo). Le roulis est toujours présent, notamment en appui prononcé, sans doute à cause d’une hauteur de caisse assez marquée, mais l’ensemble reste équilibré.

La vraie valeur ajoutée de ce modèle, c’est bien sa motricité. Le système Q4, fonctionnant en transmission intégrale jusqu’à 30 km/h en continu, puis à la demande jusqu’à 90 km/h, offre un surcroît de stabilité appréciable sur chaussée humide ou en sortie de virage appuyée. On ressent l’apport du moteur arrière, qui pousse discrètement mais efficacement, sans jamais faire décrocher la voiture. En revanche, les relances sont un peu molles en conduite coulée, et le système hybride manque parfois de réactivité dans ses transitions entre thermique et électrique.


Le freinage, lui, pourrait gagner en mordant. Il faut dire que la régénération énergétique joue ici un double rôle, et on sent parfois une légère hésitation dans la réponse de la pédale. Un détail qui n’aide pas à renforcer la sensation de sportivité. Autre bémol relevé : un sifflement assez prononcé au niveau du train arrière, vraisemblablement lié au moteur électrique, perceptible surtout à basse vitesse ou lors des phases de décélération.
Le système Q4 en action

Côté modes de conduite, le sélecteur DNA propose plusieurs profils adaptés à différents usages. Le mode « Dynamic » raffermit la réponse à l’accélérateur et pousse l’utilisation du Q4 jusqu’à 40 km/h. « Natural » se montre plus conciliant pour la vie quotidienne, avec un usage ponctuel du moteur arrière selon les besoins. « Advanced Efficiency » désactive certains auxiliaires comme la climatisation pour maximiser l’autonomie et la sobriété, avec une activation du Q4 jusqu’à 90 km/h si nécessaire. Enfin, le mode « Q4 » privilégie la stabilité et la transmission intégrale, idéal sur les surfaces glissantes ou en conduite hivernale.

Le système Q4 de la Junior Ibrida repose sur une architecture inédite chez Alfa Romeo. Contrairement aux Stelvio ou Giulia Q4, où un arbre de transmission relie les essieux avant et arrière, ici tout passe par l’électronique et l’électrique. Le moteur thermique de 1,2 litre 3 cylindres, développant 145 ch, est installé à l’avant et associé à une boîte DCT à six rapports dans laquelle est intégré un moteur électrique de 28,5 ch. À l’arrière, un second moteur électrique du même calibre vient animer l’essieu, totalement indépendant mécaniquement du moteur thermique. C’est donc une vraie transmission intégrale, mais sans liaison physique entre les deux extrémités du véhicule. La petite batterie de 0,4 kWh, logée au centre de l’auto, alimente ces moteurs et permet une réactivité quasi instantanée. Ce système assure une gestion fine de la motricité, activant automatiquement l’arrière selon les conditions d’adhérence, le style de conduite ou le mode sélectionné. Une solution certes moins radicale qu’un Q4 mécanique, mais qui apporte une vraie valeur ajoutée au comportement routier sans pénaliser outre mesure les consommations.
En ville, l’amortissement est bluffant. Même sur les dos d’âne ou les pavés, la Junior encaisse sans broncher. Dans tous les cas, la voiture reste facile, intuitive et assez plaisante à emmener.
Concurrence : dans l’antichambre des premiums

Positionnée comme un SUV urbain premium, l’Alfa Romeo Junior Ibrida Q4 marche sur des œufs. Elle tente de combiner le style, la technologie et une certaine idée du plaisir de conduite. Dans cette configuration Q4, elle se distingue d’abord par sa transmission intégrale électrifiée, rare dans le segment des SUV compacts thermiques hybrides. Avec un prix d’appel à 37.001 € et 38.201 € dans notre configuration d’essai, son positionnement tarifaire la met frontalement face à des concurrentes mieux motorisées ou plus raffinées sur certains aspects. Elle justifie cependant en partie son prix par une dotation riche et une transmission intégrale unique dans la catégorie.
Face à elle, on peut citer la DS 3 Hybrid, la Lexus LBX ou même la Jeep Avenger, avec qui elle partage sa plateforme. Toutefois la Junior conserve une personnalité à part : elle n’a pas peur du style affirmé, de la prise de risque esthétique et de la dynamique de conduite plus marquée.
Si la DS 3 ne propose pas de transmission 4 roues motrices, elle dispose dans sa version Etoile d’un équipement similaire auquel il faudra quand même rajouter les phares Matrix LED en option. Le moteur hybride de 145 ch est le même que sur la Junior mais le prix final se veut comme le placement de la marque un peu plus élitiste avec un final à 40.610€ une fois configuré.

Lexus ne propose le 4 roues motrices uniquement sur ses versions haut de gamme. Pour avoir ce petit coté fun que l’on trouve sur Junior j’ai opté pour un LBX Cool avec une teinte bi-ton Noir / Gris Manhattan pour seule option. Si l’on commence désormais à en croiser quelques un sur la route, on comprend mieux lors du comparatif que le placement tarifaire est clairement un frein à l’achat. Ma configuration 4 roues motrices avec le moteur hybride de 136 ch coute la bagatelle de 46.100€ !

Sa dernière concurrence est clairement son alter-ego. Le Jeep Avenger 4xe reprend moteur, plateforme ainsi que système 4 roues motrice de la Junior. Se voulant un peu plus baroudeur, la finition Overland demande de passer par la case option pour retrouver un équipement similaire. Une fois configuré, son prix est de 37.050€, une différence de 1000€ qui se jouera sur l’affinité avec l’une des deux marques si elle est dans son duel final.

Une vraie Alfa dans le monde d’aujourd’hui ?

Alfa Romeo joue une carte courageuse avec cette Junior Ibrida Q4. À contre-courant des tendances qui privilégient le tout électrique ou les SUV aseptisés, elle tente de conjuguer pragmatisme et passion. Elle n’est pas parfaite : ses performances sont modestes, sa finition manque de raffinement, et son positionnement premium peut sembler un peu ambitieux. Mais elle offre une vraie alternative : un SUV compact, stylé, bien amorti, plutôt efficient, et surtout doté d’un vrai tempérament dynamique grâce à sa transmission intégrale Q4.
Est-ce suffisant pour séduire les Alfistes historiques ? Peut-être pas. Mais pour un conducteur du quotidien en quête d’un SUV atypique, sûr, confortable et un tant soit peu vivant, la Junior Q4 pourrait bien être un choix inattendu mais pertinent.
Retrouvez juste après notre tableau récapitulatif ainsi que notre traditionnelle galerie photos regroupant l’intégralité des clichés réalisés pendant l’essai :
Les + | Les – |
Transmission Q4 efficace | Finition intérieure |
Amortissement | Freinage qui manque de mordant |
Style extérieur | Bruits parasites |



































Texte et photos : Julien HUET pour Virages Auto
Rejoignez-nous sur Facebook et Instagram